Hello les copains,
Comment reparler de tous ces sentiments si personnels qui nous ont tous habités les jours qui ont suivi les attentats ? J’ai d’abord été incrédule, puis sous le choc, puis malade comme un chien, puis effrayée (en mode “bunker”). C’est très bizarre de regarder par sa fenêtre et de voir sa rue hyper animée habituellement, soudain complètement déserte avec des militaires armés. Irréel.
Je suis restée terrée chez moi, j’évitais les fenêtres, je ne mangeais plus. Je ne voyais plus devant moi que les visages des innocents défiler dans ma tête en me demandant pourquoi… Bien sûr aucune réponse ne me conviendrait jamais, aucune réponse n’arriverait jamais à faire sens. Il m’a fallu me faire violence pour aller faire des choses simples comme mes courses… Mais ce qui me terrifiait encore plus, c’était le concert.
Il y avait un an, presque jour pour jour, un ami et moi achetions nos places pour le concert de Christophe Willem, et j’offrais également une place à ma maman et mon Banjo. Un an que nous attendions ce moment avec impatience, plusieurs mois que je leur disais “J’ai hâte !”.
Je me demandais désormais si c’était une bonne idée que ma mère prenne le train, si c’était une bonne idée d’aller m’enfermer dans l’olympia pile une semaine après que le bataclan ne soit devenu un lieu tristement historique. Christophe Willem, on le kiffe, mais est-ce que la mesure de notre amour ne s’arrêtait pas à l’idée d’un coup de kalash potentiel ? Je vous avoue que j’ai cherché pendant toute la semaine, l’esquive, la solution, la réponse.
J’appelais mon ami qui me disait “Je comprends que tu ais peur mais je vais quand même faire ce que j’avais prévu de faire.”(j’espèrais sûrement qu’il me dise “oh non t’es folle, on n’y va pas !”). Du coup je me dis que je vais, moi aussi, faire ce que j’avais prévu de faire. Je n’irai pas acheter de place de spectacle de si tôt, mais je ne vais pas changer mon programme déjà établi.
Quand même, je ne le sentais toujours pas. Je ne vous dis pas les débats philosophiques avec le Banjo, qui se soldaient un jour par “on y va”, un autre par “bon tant pis on n’y va pas”.
J’ai contacté l’Olympia pour savoir si ils avaient de la sécurité armée (ce qui m’a valu de bien puants sarcasmes et moqueries…). Le CM de l’Olympia a répondu que non (ce qui m’a valu une petite crise de panique totale), mais à croire que je n’étais pas si folle que ça car il y avait bien des forces de l’ordre, des fouilles et des détecteurs de métaux.
Je ne vous dis pas comme j’y allais à reculons, cherchant à rassurer plus ou moins ma mère… espérant qu’une force invisible nous ramène au bercail. Une fois la sécurité passée j’ai demandé au dernier monsieur de nous donner des indications sur toutes les sorties de secour.
Quand on s’est assis mon ami n’était pas encore arrivé, j’ai eu peur qu’il ne vienne pas et finalement j’ai pu le serrer dans mes bras juste avant que les lumières s’éteignent.
Je ne saurais expliquer l’ambiance dans la salle. Pesante. Mais qui essaye. Des gens qui ont décidé qu’on allait tous continuer mais des gens qui ont cette boule au ventre, celle qui s’appelle la peur.
Des gens qui, comme moi, checkent les issues de secour régulièrement, les vigiles avec leurs talkies, qui scrutent les mouvements dans la salle.
Christophe Willem apparaît enfin et commence comme un ange tombé du ciel avec “Le chagrin” que l’on écoute avec une joie et une tristesse mélangées. Il enchaîne ensuite par des chansons plus dynamiques et rythmées, et là, pour moi, c’est le malaise. Le concert commence en force, je ne me sens pas bien, quelques chansons passent… Il y a un décalage évident entre l’ambiance de la salle et lui qui se dandine énergiquement sur scène…
Puis finalement, il s’arrête et il nous le fait, son discours. Voilà je crois que c’est ça, en fait. Comme on dit en anglais “Are we gonna talk about the elephant in the room ?”. Parce-que OUI, il y a une semaine 1500 personnes vivaient l’horreur absolue dans une salle de concert parisienne, et oui, ON SE FAISAIT TOUS DESSUS.
Il nous a dit qu’il comprenait qu’on ait peur, que la musique était le bon moyen pour exprimer ce que l’on ressentait… il a chanté Imagine… Voilà c’est ça qu’on voulait en fait, se recueillir ensemble d’abord. Ensuite il a pris un peu la parole pour d’autres sujets avec beaucoup d’humour (ce qu’il fait à tous ses concerts) et ça a VRAIMENT décoincé l’ambiance (je sais que certains le trouvent nian nian mais il est vraiment drôle). Quand je dis “décoincé”, il y a quand même un mec devant moi qui a bondi de son siège à l’intro d’une chanson qui débutait avec un coup de tonerre. Alors lui, il était préparé en cas d’attaque : un seul coup de tonerre il était déjà sorti de la rangée. J’étais mi-amusée mi-admirative.
Du coup après avoir parlé de tout ça il y avait un sentiment de fraternité dans la salle, une vraie et belle volonté de tous communier et de tous chanter dans cette joie et cette tristesse emmêlées. C’était une sensation belle et fragile, mais c’était aussi, la première lueur d’espoir depuis le 13 novembre. Et cette lueur d’espoir, je crois même bien qu’elle m’a fait esquisser mon premier timide sourire après ces jours d’une tristesse infinie.
Nous sommes tous sortis un peu plus légers, un peu soulagés, un peu en nous disant qu’on pouvait encore continuer à vivre en portant à jamais dans nos coeurs les visages et les prénoms des innocents qui n’ont plus la chance de continuer.
Alors oui, je ne vais pas vous mentir : ça n’a vraiment pas été simple émotionnellement mais je crois que ce moment m’a aussi, quelque part, reliée un peu à la VIE. Alors merci Christophe, merci à tous les artistes qui montent de nouveau sur scène, et qui nous aident à reprendre un peu le cours des choses. Je vous laisse avec beaucoup d’amour et de douceur : quelques images souvenirs en chanson de ce concert.
9 commentaires
I am so glad you made the decision to go and that you had the experience you had. As random is violence is, both organized and in the moment, I have just had to come to the realization that nowhere is truly safe anymore. It is disturbing at first but, honestly, after a while it made me feel very free.
I don’t think I feel free about it, but unfortunately you are right. Nowhere is safe
J’imagine facilement combien ça a du être complexe et angoissant,
la vie reprend mais rien ne sera plus comme avant
Exactement. C’est fébrile au début mais il faudra bien que la vie reprenne
Je comprends ton appréhension et ta peur car dans le Sud c’est la même chose, la peur est toujours présente même si on est loin de la capitale.
Il faut avancer, ne pas oublier mais juste avancer…
Biz Jeny
Et oui on est tous touchés. Bisous miss
Difficile oui.
J’y étais aussi le même soir que toi. Le début était sous une certaine tension à regarder le déplacement des gens, à regarder le fond de la salle…
Et puis la voix cristalline de Christophe m’a enivrée et j’ai réussi à “lâcher prise”, le temps du spectacle, le temps d’un peu de bonheur.
et je ne regrette pas d’y être allée même si pendant toute la semaine, je me suis aussi posée la question d’y aller ou pas!
Courage!
Heureuse que nous ayons eu le meme sentiment.
Ce ne devait pas être évident de se rendre à ce concert mais il est vrai que la vie doit continuer aussi.